l'E.B.P.

 

Evidence Based Practice on parle également d'Evidence Based Medicine (pour E.B.M.)

 

UNE PRATIQUE BASÉE SUR LA PREUVE 

C'est quoi?

 

L'Evidence Based Practice, est une locution anglo-saxonne récente qui a été définie comme :

 

« L’utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient. »

 

L’EBP est classiquement décrite par un triptyque :

  1. ·    l’évaluation clinique par le thérapeute qui met en jeu les compétences cliniques du praticien, son expérience, la qualité de ses tests et de son raisonnement
  2. ·    les données actuelles de la recherche clinique et de la science dont les principales avancées font l'objet de publications internationales
  3. ·    les choix et les préférences du patient qui reflètent son expérience de la douleur et ce qu'il a compris de sa pathologie et l'impact de celle-ci sur sa vie quotidienne

 

la synthèse de ces trois exigences détermine la prise de décision thérapeutique.

 

Ce nouveau paradigme représente sans doute la quête du Graal pour de nombreux praticiens, il sous tend  en effet à la fois la connaissance actualisée des avancées scientifiques et leur adéquation avec le problème individuel du patient, la plus aboutie des expertises cliniques, la pratique la plus adaptée des techniques à proposer lors de la consultation, et enfin et surtout une cohésion très aboutie patient-praticien (qui fait du patient le co-décideur du traitement proposé et explicité).

 

 

l'Evidence Based PRACTICE n'est donc pas :

  1.  ni une pratique calquée sur des recommandations fussent-elles internationales  : " Sans l’expertise clinique, la pratique risque de devenir dictée de manière tyrannique par la preuve, vu que même d’excellentes preuves externes peuvent être inapplicables ou inappropriées pour le patient spécifique"
  2.  ni une pratique qui exclurait les techniques statistiquement moins performantes.
  3. ni une pratique visant à reproduire un protocole, une "recette miracle" réclamée par le patient converti par ses recherches internet.

 

Une médecine dictée par l'EBM ne serait pas un progrès en matière de Santé :

  1. tout d'abord, il faut savoir que les études les mieux construites sur l'efficacité des traitements se targuent d'être reproductibles d'un patient à l'autre ou en tout cas d'une population à une autre (statistiquement). On touche ici toute la problématique de la science appliquée à la médecine manuelle, car la preuve doit faire abstraction de l'humain. En effet pour valider une technique comme traitement efficace, patient et thérapeute ne doivent pas communiquer entre eux, ne doivent pas avoir d'à priori sur les techniques utilisées (effets attendus, effets indésirables...).
  2. les études scientifiques sérieuses mettent un point d'honneur à expérimenter un traitement dont le thérapeute est interchangeable, or dans notre système de soins, le patient choisit son praticien (en ville et même parfois à l'hôpital), il le consulte avec une confiance basée sur des critères qui lui sont propres (proximité, réputation, tarif, gentillesse...) qui assure une adhésion à priori au type de traitement qui va lui être proposé, ou au praticien lui-même (ce qui pose parfois un problème de dépendance), il ne recourt pas à une consultation ostéopathique dans le même état d'esprit qu'une participation à une étude clinique.
  3. toujours expérimentalement, le patient est réputé n'avoir qu'une pathologie (celle étudiée lors des essais), pourtant ce critère est fort théorique, si bien que la transposition à un individu précis n'est pas nécessairement judicieuse.
  4. les résultats en terme d'efficacité, sont toujours très faibles, dans les protocoles d'études, si bien que les praticiens peinent à expliquer qu'il vaut quand même mieux se soigner que de laisser trainer les choses, car les praticiens quel qu’ils soient ont de bien meilleurs résultats que les études sur leurs spécialités.
  5. enfin et de manière plus générale, le patient requiert à notre encontre avant tout une solution à son problème et un éclairage sur sa pathologie (d'où la nécessité pour lui de recourir à un thérapeute d'une profession réglementée kiné ou médecin) . Ses critères de jugement lui sont propres (ses symptômes étant eux mêmes souvent subjectifs), d'autre part faut-il le rappeler, c'est lui qui décide à quel moment, à quel praticien et à quel type de traitement, il veut faire appel. Par le paiement de sa consultation, il préserve ses prérogatives et ses choix, l'évolution spontanée de ses troubles, l'effet placebo des traitements, et tous les autres biais d'études ne sont pas sa préoccupation première. 

La dérive scientifique existe pourtant :

Elle est le projet de moins en moins dissimulé des organismes payeurs de soins voire même des politiques de Santé, qui aspirent dans la plus pure logique assurantielle à évaluer le risque et son coût, Car mettre, pathologies et traitements en équation, c'est à coup sûr maîtriser les dépenses de Santé.

Il est dans cette optique, très important de contraindre les professionnels de Santé à justifier leurs pratiques par des résultats validés par la science et surtout il est financièrement essentiel d'uniformiser les traitements.

Il est enfin fondamental de persuader l'opinion publique qu'une fois le diagnostic établi et le patient mis dans une case, le traitement réputé statistiquement le plus efficace (si possible le moins cher) sera remboursé, le patient et le praticien qu'il aurait choisi étant déclarés hors jeu, 

En résumé, nous pouvons affirmer que les dérives sectaires (d'un patient sous domination de son praticien), le carcan des enveloppes budgétaires (un traitement non remboursé car non validé) et la main mise sur les colossales cotisations maladie (confiscation des cotisations obligatoires : Sécu + mutuelle, pour décider arbitrairement du comment elles seront utilisées) sont les trois écueils de la médecine du XXIième siècle.

Le professionnel de Santé que je suis, est également dans son rôle  de lanceur d'alerte à destination d'un public qui dans le domaine des soins, préfère souvent être pris en charge plutôt qu'acteur, n'écoute pas toujours le plus compétent ou le plus désintéressé des avis,  et accorde parfois sa confiance sans discernement suffisant, il ne doit pas en méconnaitre les enjeux, qu'il finance souvent sans s'en rendre compte...

Rappelons-nous la pensée rabelaisienne :" Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", et dans le domaine de la santé, énoncer et appliquer la science sans la pensée réflexive n'est pas envisageable. Notre rôle de professionnel est d'éclairer la conscience du patient, et cela dépasse de beaucoup d'être le relais des études scientifiques.